Someone you loved

« C'est de ta faute, Daegan, si elle n'est plus là. » Cette voix. Que je ne connais pas, mais qui est si insupportable ne cesse de mettre à mal celui que je suis au plus profond de moi. Elle se fraie un chemin dans le royaume de mes songes, chaque nuit. Dès que je ferme les yeux, je l'entends. Cette résonance digne de la pire des cacophonie ne cesse de me rappeler que ma chère jumelle n'est plus là. Depuis ces si longs mois, ma vie s'est retrouvée bousculée comme jamais elle ne l'avait été. Si je garde toute ma tête, c'est bien pour honorer la mémoire de ma disparue de sœur, à qui j'ai toujours promis que quoiqu'il se passe dans nos vies, jamais je ne cesserai de conter. Une promesse douloureuse, elle qui était mon binôme de choc, mais bien plus que cela. Costia était l'une des personnes les plus chères à mon cœur et une de ces personnes autour de laquelle ma propre existence reposait. Et sa disparition n'est pas la seule chose en remettant bien d'autres en cause. Ce n'était « juste » que le début, en fait, de tous ces changements. J'ai beau dire que tout va bien, c'est pourtant loin d'être le cas. Et si jamais j'ose commencer à y croire, cette charmante petite voix me ramène à la réalité.

Toujours est-il qu'on a tous dormis dans une auberge, aux portes de Polis. C'est une journée de repos, pour nous, avant de reprendre la route dès demain matin. On avait à faire dans les murs de la Capitale pendant quelques jours. J'ai beau y avoir mis tout mon cœur, ça n'est plus comme lorsque Costia était là. Les autres de notre petite troupe ont rejoint Polis après le repas, histoire de profiter de quelques échoppes avant le départ. Et moi, je suis là. Seul face à cette chope de bois d'un autre temps. A pester en silence en voyant deux silhouettes venant de ce clan du Nord, à la vue de ces marques sur leur visage. Mais, je ne les regarde même pas, oh non, il ne vaut même mieux pas. Je sais juste qu'ils sont là, à collectionner les litres les uns après les autres. A se demander s'ils arrivent encore à savoir ce qu'ils ont sous le nez ou si leur soif est sans limite, si bien qu'ils ne ressentent même plus les effets de cet alcool artisanal. Et je me perds dans mes pensées, mes deux bras reposant sur ce bois massif devant moi, ne quittant même plus cette chaise défraîchie qui, elle aussi, semble avoir du vécu. « Daegan ? » Est-ce encore la folie dans ma petite tête qui prend la forme d'une autre voix ? Sentant pourtant une présence à mes côtés, je me décide à tourner la tête. Et non, je ne suis pas encore totalement fou ! « C’est toi ? » J'opte alors pour un léger sourire, avant d'approuver d'un subtil signe de tête. Ce visage ne m'est pas inconnu, quant bien même j'en croise à ne plus pouvoir les compter certains jours. Mais, par chance, ma mémoire de conteur m'aide à pouvoir en resituer quelques uns. « Lilith. » que je réponds simplement, dans un tout premier temps, en guise de salutations. Il faut dire que les circonstances de notre rencontre étaient loin d'être banales, et ce, même si elle commence à dater un peu ! « En voilà une bonne surprise ! » Et oui, je fais partie de ceux qui s'intéressent à l'âme d'une personne bien plus qu'à sa provenance, bien que ma curiosité insatiable avait pointé le bout de son nez en apprenant d'où cette jeune femme venait. Nombre de récits entourent déjà ces gens tombés du ciel, et nul doute qu'ils seront loin d'être les seuls dans les temps à venir. « Tu sembles bien plus sereine que dans mes souvenirs. Non ? » Et ça, c'est même peu dire. Il faut avouer qu'elle revient de loin. Elle qui, de sa présence, gonfle le rang de ces fameux et intriguants « Camelotiens » et m'avait raconté ce qui a pu lui arriver. A croire qu'elle revient de loin, que les Dieux lui ont été favorables pour sa « renaissance » sur Terre. Après, n'imaginez pas que je m'attends à ce qu'elle risque de me dire en ce jour. C'est même très loin d'être le cas.

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Someone you loved

Autant le dire de suite : cette nouvelle nuit passée a, elle aussi, été plutôt écourtée. D'où ma tête, certainement, d'endormi. Cela fait un bon moment que je ne trouve plus vraiment le sommeil et que le royaume des songes me semble plus lointain que jamais. Même le chemin de route que nous devions prendre a subit quelques imprévus. De ma propre volonté, mais pas seulement. Si nous devions nous rendre à Azgeda d'ici une petite quinzaine, normalement, ce n'est que repoussé. D'autres que notre joyeuse bande nous remplacent, un peu comme un service rendu qu'ils nous devaient. Surtout qu'ils n'y étaient pas loin et ça m'arrange, oui. Mais, j'ai du mal à me rendre dans les terres de la Reine Nia. Beaucoup de mal. Je pense que cela se comprend, non ? C'est à cause d'elle que ma sœur n'est plus là. C'est aussi par sa faute que nos efforts, avec Zora, sont partis en cendre alors même qu'on mettait de côté les préjugés les plus forts quant à la soif de sang de son clan. Bref. Inutile de se torturer davantage face à ce passé, mais autant profiter que ma route croise à nouveau celle de cette jeune femme venue du ciel, non ? « Oui, c’est une bonne surprise ! » Mon sourire ne se défait pas lorsqu'elle confirme ce que j'ai bien pu dire. Après tout, je fais bien parti de ces gens parmi Kongeda à oser voir au-delà des préjugés. Parler avec Lilith n'est pas, à mon sens, condamnable. Désolé pour ceux que ça peut froisser.

D'autant plus qu'elle semble plus en paix avec elle-même. Si ce n'est qu'une apparence, elle l'a bien travaillé. « Hm, je suis plus calme oui. J’ai finis par plus ou moins trouver un endroit où vivre. Même si je ne cesse de bouger pour ne pas risquer ma vie, les ouskejonkru m’ont acceptés. » A l'entendre, je ne suis pas dans le faux. Savoir que notre Terre peut accueillir d'autres personnes pour leur permettre de vivre comme ils l'entendent, c'est toujours plaisant pour quelqu'un comme moi, à l'esprit ouvert. Pour un Conteur, je ne pense pas me tromper en disant que c'est essentiel de toute façon. « Et toi, comment vas-tu ? » Bonne question à laquelle je me contente de hausser les épaules. « Ça peut aller. » Ce qui reste assez flou, je le conçois, mais me plaindre de mes problèmes n'est pas dans mes habitudes. Et puis, être à Polis, lieu où vivait Costia est toujours un arrêt assez.. douloureux. Alors, imaginer enchaîner avec un périple jusqu'à Azgeda.. « Dis moi, qu'est-ce qui peut t'amener ici, à Trikru ? » Curiosité, que voulez-vous. Et ça additionné avec mon intérêt pour les autres, ça donne forcément de telles questions. « Et plus précisément ici, à Polis ? » Aucun jugement dans la voix de ma part, alors même que je sais que bon nombre de mes semblables ont du mal avec l'idée que des Camelotiens soient aux portes de la Capitale.

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