Marcus avait amplement conscience qu’il ne devrait pas être là. Il allait se faire sermonner si on l’attrapait en dehors de son lit d’hôpital, mais il en avait besoin. Il avait besoin de prendre l’air et de revoir l’extérieur. Kane n’allait jamais l’avouer, mais plus d’une fois dans les deux dernières semaines, il avait eu peur de ne jamais revoir l’extérieur. En fait, il avait craint de ne jamais revoir personne. La mort n’était pas quelque chose qui l’effrayait en soit, mais passer aussi près lui avait fait réaliser qu’il voulait vivre. Il n’avait pas la meilleure vie du monde, il avait perdu beaucoup de choses, mais il n’était pas encore prêt à partir. Marcus ne savait pas encore quoi, mais il avait quelque chose à accomplir à Cérès et il avait l’intention de le faire. Il n’était pas aussi seul qu’il ne voulait le croire. Repousser les gens autour de lui avait toujours été son moyen de défense. Il avait toujours ressenti le besoin de se montrer froid, dur et distant avec tout le monde. Il avait fait passer son boulot en premier toute sa vie ce qui lui avait fait passer à côté de beaucoup de choses. Il pensait, en autre, à Octavia et à Bellamy… Kane n’arrêtait pas de se dire qu’il était trop tard, mais était-ce réellement le cas ? Certes, ils étaient des adultes maintenant, mais Kane restait leur unique famille. Se devait-il de rester dans l’ombre ? Est-ce qu’Aurora l’avait mis au courant de l’existence de ses enfants pour qu’il s’efface de leur vie ? Il aurait pu lui demander quand il l’avait vu à travers ses hallucinations, mais la réponse aurait été celle que Marcus aurait voulu entendre, pas la réelle penser d’Aurora. Ensuite, il y avait Abigail… Kane n’arrivait pas à expliquer comment il la considérait réellement. Parfois, il avait la sensation qu’elle était ce qui se rapprochait le plus d’une amie pour lui... Sauf qu’ils n’arrivaient pas à communiquer. Était-ce une des raisons pour laquelle il continuait de la tenir loin de lui ? Comme tous les autres ? Peut-être. De toute façon, toutes les raisons étaient bonnes pour rester seul. Il était comme cela, il n’allait pas changer du jour au lendemain, car la mort était venue lui dire bonjour de très près.

Marcus avait quitté les murs de leur campement quelques minutes plutôt. Il avait pu sentir de nombreux regards se poser pour lui. Ça faisait combien de temps qu’on ne l’avait pas vu ? Est-ce qu’on l’avait déjà déclaré comme mort ? Après tout, la maladie avait fait quelques victimes et Kane aurait pu être l’une d’entre-elles. Son cœur n’avait pas tenu. L’épuisement avait eu raison de lui et il s’était laissé aller. Ce jour-là, Marcus n’avait plus eu la force de se battre… On lui avait annoncé un remède qui n’avait eu aucun effet sur lui. Il avait cru que son combat était terminé et que cette maladie inconnue aurait raison de lui. Il avait arrêté de se battre l’espace de quelques minutes et ça avait suffi à le faire partir… Ensuite, ça avait été le trou noir. Il ne se souvenait pas de grand-chose, même l’après était encore flou dans son esprit. Sauf que l’important aujourd’hui, c’est qu’il était là et que la foutue maladie semblait complètement disparue. Il ne savait pas ce qu’Abby avait fait, mais il se sentait réellement mieux. Cette fois, il le savait. Pendant sa maladie, il avait la sensation de se sentir mieux, mais il rechutait rapidement. Là, aucune rechute n’avait eu lieu depuis plusieurs jours et c’était encourageant. Au point où Kane avait retrouvé suffisamment d’énergie pour se retrouver dehors aujourd’hui. Il n’avait pas l’intention d’aller bien loin, il avait conscience de sa faiblesse, mais il voulait quitter les murs. Sans devoir de compte à personne, l’ancien colonel avança jusqu’à la porte qu’on lui ouvrit. Kane se glissa à l’extérieur où il fit quelques mètres avant de sentir ses jambes faiblir. Sans chercher à aller plus loin, il se dirigea vers un arbre sur lequel il s’adossa avant de se laisser glisser au sol. Au fond, il avait seulement besoin de ça. De se retrouver assis dans l’herbe et de profiter du fait qu’il était en vie. Maintenant, il restait à espérer qu’Abigail ne remarque pas son absence et qu’elle n’envoie pas Cérès en entier à sa recherche. En attendant, l’homme ferma les yeux et posa sa tête contre le tronc afin de profiter de ce moment de tranquillité. Ça faisait combien de temps qu’il avait pas réellement entendu le silence ? Pas de machine, pas de vas et viens, pas de gémissements de douleur venant des lits d’à côté et surtout, pas de douleur. Sauf que malheureusement pour lui, ce moment fut de courte durée. Il ouvrit un œil en entendant des pas approchés et il eut presque envie de rire de l’ironie de la situation. « Bonjour Clarke. » Il releva la tête pour observer la jeune femme. Il aurait pu lui demander ce qu’elle faisait là, mais il n’était plus en droit de le savoir. « C’est ta mère qui t’envoie ? » demanda-t-il plutôt. Il allait finir par croire qu’Abby le faisait surveiller.

☾ anesidora

Quitter les murs de l’infirmerie s’était avéré être plus d’une envie, mais un véritable besoin pour le brun qui ne pensait pas développer une certaine dépendance au monde extérieur et à l’air frais. Sur l’Arche, il n’avait pas cette possibilité et il avait cru, au départ, que ça le laisserait indifférent. Ce n’était pas le cas. Kane aurait pu choisir d’aller n’importe où, personne ne l’avait vu sortir et on ne risquait pas de l’empêcher de respirer. Était-ce si mal que cela ? Certes, il avait besoin de repos, il en était conscient, mais il faisait que ça se reposer depuis des semaines maintenant. Il espérait qu’Abigail pourrait le comprendre. Il n’avait pas particulièrement envie de se faire faire la morale et de se faire traiter d’irresponsable. C’est l’une des raisons qui avait poussé Marcus à ne pas aller trop loin. Il avait repéré un arbre près d’Arkadia qui lui permettrait d’avoir l’ombre nécessaire et une vue intéressante sur la forêt. Lorsqu’il irait mieux, il irait faire un tour dans cette forêt. Il s’y était rendu une unique fois dans des circonstances tristes, soit pour offrir un dernier hommage à sa mère. La prochaine fois, il voulait s’y rendre dans un tout autre état d’esprit et découvrir cet endroit qu’il savait magnifique.

Marcus avait toutes les raisons de croire qu’Abby le faisait surveiller depuis sa petite sortie nocturne vers la clôture électrique. Lui, il n’en gardait aucun souvenir. Dans son esprit, il avait une toute autre vision qui lui donnait l’impression de se trouver sur l’Arche en compagnie d’une personne qu’il avait aimé tellement fort. Cérès n’existait plus, la maladie n’existait plus et il s’était retrouvé quelques années en arrière. Cette excursion inconsciente aurait pu le tuer, mais sur le moment, il n’en avait pas réalisé la gravité. Il pouvait comprendre Abigail de s’être montrée méfiante envers les agissements de l’homme et d’avoir cherché à le protéger, mais aujourd’hui, les choses étaient différentes. Il allait bien et il était vivant. Ce n’était pas passé loin, ils le savaient tous les deux, mais c’était une histoire du passé maintenant. Abigail allait pouvoir reprendre sa vie sans avoir à s’épuiser avec une épidémie tandis que lui, il pourrait prendre le temps nécessaire pour découvrir la Terre et s’occuper de lui. Au fond, il rêvait de pouvoir ravoir une place dans la garde, mais pour l’instant, il ne voulait pas se donner cet espoir. C’était mal parti pour lui. Diana lui avait tout pris et la décision était irréversible. Elle n’avait pas besoin de quelqu’un comme Kane dans ses rangs supérieurs. Au même titre que Kane qui n’aurait pas pu supporter de se retrouver sous le commandement d’un chancelier comme elle.

Son moment de tranquillité fut de courte durée, à son plus grand malheur. Il sentait qu’il allait devoir retourner dans l’infirmerie dans les prochaines minutes pour éviter une panique quelconque. Un léger soupir de soulagement s’échappa des lèvres lorsque la blonde lui confia qu’elle n’était pas présente à la demande de sa mère. « Tant mieux. » dit-il en hochant la tête. Un léger sourire se dessina sur ses lèvres lorsque Clarke lui demanda si Abigail était au courant de la sortie de son patient. « Non, elle ne le sait pas. » Il aurait pu mentir, mais il avait senti qu’il valait mieux qu’il soit franc avec la Griffin. Il se doutait que maintenant qu’elle l’avait vu, l’information allait se rendre à Abigail. « Je ne voulais pas l’inquiéter pour rien. Tu connais ta mère. » ajouta le brun en laissant glisser l’une de ses mains dans l’herbe. « Après un long séjour dans son département, j’avais besoin de sortir prendre l’air avant de perdre la tête. » Pas besoin de le cacher, tout le monde savait que la maladie avait attaqué fortement l’ancien Colonel et qu’il était hospitalisé depuis début septembre. Un mois plus tard, il méritait cette sortie même si elle était effectuée sans les recommandations de son médecin. « Puis-je me permettre de te demander ce qui t’amène dans le coin ? » demanda l’homme autant par curiosité que par envie de dévier le sujet de sa propre présence à l’extérieur de l’infirmerie.

☾ anesidora

Quand il était plus jeune, Kane acceptait les ordres de ses supérieurs afin d’espérer de grimper les échelons. Lorsqu’il était devenu Colonel, il acceptait de travailler uniquement pour le Chancelier. Il détestait qu’on lui donne des ordres et Abigail Griffin ne faisait pas exception. Elle était peut-être son médecin, elle lui avait peut-être sauvé la vie, mais il n’avait pas d’ordre à recevoir d’elle. Certes, il pouvait accepter les conseils, mais c’était son choix de les suivre ou pas. Ce n’était pas simple à accepter pour la mère Griffin qui était sûrement autant – voire davantage – bornée que lui. C’était l’une des raisons qui compliquait les relations entre les deux conseillers. Ce n’était nouveau pour personne cette tension. Néanmoins, Kane avait parlé de vouloir éviter des inquiétudes du côté d’Abigail Ce n’était pas exactement ça. Abigail ne s’inquiétait pas réellement pour lui. Elle faisait uniquement son travail et c’était parfait comme cela. Certes, les dernières semaines n’avaient pas été simples pour le duo. Kane n’avait pas été le seul à lutter pour sa vie, Abby avait lutté avec lui. Elle s’était battue pour le maintenir en vie et l’homme avait l’impression que ça les avait rapprochés. À la réponse de Clarke, Kane avait eu un petit rire. « Même si j’étais resté dans mon lit, elle aurait jugé que je n’ai pas assez dormi et le résultat aurait été le même. J’accepte ses foudres à venir. » Il exagérait un petit peu, mais Clarke allait très bien comprendre ce qu’il voulait dire. Abigail pouvait être très sévère et c’était ce qui l’avait mené aussi loin. C’était une qualité même si ça pouvait être exaspérant pour Marcus.

C’était un pur hasard que Kane et Clarke se croisent à l’extérieur de Cérès. Les deux avaient échangé quelques fois depuis l’arrivée sur Terre, mais toujours dans un contexte très professionnel. Aujourd’hui, c’était une première et ça faisait toujours du bien de discuter avec quelqu’un de tout et de rien. La fille Griffin lui confia qu’elle était venue souffler également et en profiter pour lire. Jetant un coup d’œil vers le bouquin, Kane demanda : « Ça parle de quoi ? » L’homme avait toujours voulu lire, mais il n’avait jamais eu beaucoup de temps à consacrer à ce passe-temps. Il pensait en avoir davantage une fois stable, mais il s’était tourné vers autre chose. Depuis qu’il était ici, il passait son temps dehors, à découvrir ce nouveau monde. L’homme haussa un sourcil lorsque la blonde lui confia qu’il avait repris des couleurs. Il eut un demi-sourire qui s’effaça doucement lorsqu’elle lui parlait des cours dont Marcus lui avait déjà parlé et qu’elle lui demandait comme il se sentait. Il avait tellement entendu cette question dans les dernières semaines. Avant, il détestait se faire demander comment il allait, maintenant, c’était presque devenu une habitude. « Est-ce que ces cours t’intéressent toujours ? Même s’ils sont repoussés, mon offre reste sur la table. Je crois que c’est important que tu saches te défendre davantage. On souhaite que tout se passe toujours bien, mais sait-on jamais. » Il haussa les épaules. Il ne cherchait pas à lui faire peur, seulement à mettre toutes les cartes de son côté, peu importe la situation. Que ça soit au corps à corps ou même avec une arme à feu. Sans faire d’elle un soldat, quelques techniques de base n’étaient jamais de trop. « Je me sens beaucoup mieux. J’ai retrouvé de l’énergie. Marcher jusqu’ici n’aurait pas été possible la semaine dernière. J’ai eu beaucoup de chance. Ta mère m’a sauvé la vie. » Ce n’était pas nécessairement simple à avouer pour lui, mais c’était ce qui s’était passé. Sans la mère Griffin, il serait mort. « Je suis vraiment navré que tout le monde n’ait pas eu cette chance. » dit-il dans un soupir. Il y avait eu quelques pertes et elles étaient très difficiles à accepter pour les Skaikrus. « Qu’est-ce que j’ai loupé dans les dernières semaines ? » demanda-t-il en sachant particulièrement que Clarke ne pourrait pas tout lui dire. Le brun avait raté beaucoup trop de choses. Néanmoins, il voulait bien avoir les grandes lignes afin de savoir à quoi s’attendre dans les prochaines semaines. L’homme savait pour le nouveau Conseil et il s’était, bien sûr, inscrit. Il avait espoir de pouvoir regagner sa place et pour cette raison, il devait se tenir au courant de ce qui avait pu se passer pendant son absence.

☾ anesidora